En l’honneur de la rentrée le co-fondateur et Président de You Don’t Need Us, Yanniss Leloir, fait le point sur les missions et les ambitions du cabinet de conseil. Il s’exprime notamment sur les concepts de conseil par abonnement, d’amortissement de l’immatériel et d’unicité du savoir-faire des PME.
Peux-tu nous rappeler dans quel but YDNU est née, quels ont été les éléments déclencheurs ?
Yanniss Leloir : La naissance de YDNU, on la doit à mon expérience passée en tant que DSI. Durant mes années à ce poste, j’étais un grand consommateur de prestations de conseil et je me suis aperçu de plusieurs problèmes. Le premier, c’est qu’il n’y a aucun indicateur de succès dans le Conseil. Ce qu’on achète, c’est de la capacité à ‘faire’ ou à résoudre un problème sans pour autant pouvoir mesurer si l’action ou la résolution est valide. En gros, on ne mesure pas l’apport précis d’une prestation de conseil comme dans la Finance par exemple, où tu obtiens des rendements ou dans l’Automobile, où tu peux décrire le produit par sa vitesse. Par ailleurs, la grande majorité des cabinets de conseil apportent uniquement des moyens et non des solutions.
Les cabinets de conseil s’éloignent donc t-ils du rôle, de la mission qu’on leur attribue en général ?
Sans faire de jugement de valeur, je trouve que leur rôle se rapproche beaucoup à celui d’une société d’intérim’. La seule différence, c’est que les cabinets de conseil vendent de la prestation sur des domaines spécifiques et offrent une certaine flexibilité. Par ailleurs, contrairement aux sociétés d’intérimaire, on choisit un cabinet de conseil pour sa réputation, tout simplement car le marché du Conseil est un marché de marques. La valeur de l’offre n’est identifiée que par le prix auquel tu consommes le produit. D’ailleurs, le deuxième problème que j’ai observé en tant que DSI est lié à ce constat. Si le coût de la flexibilité et de l’expertise d’un cabinet de conseil détermine sa valeur, alors on est sur du conseil en CDD ou en intérim’. (Si cette valeur est déterminée par une autre variable, j’en n’ai pas vraiment entendu débattre.) Cela fait que les conseillers en mission sur une longue durée se retrouvent un peu seul, ni vraiment chez le client, ni vraiment dans la société qui les emploie. Ils ne sont ni animés, ni managés. Enfin, comme on est sur un système de marques, cela rend certains domaines du Conseil, comme notamment les domaines très experts, non accessibles aux entreprises qui n’ont tout simplement pas les finances nécessaires. Elles ont ainsi peu accès à des compétences variées s’avérant parfois clés pour atteindre leurs objectifs.
C’est d’ailleurs l’un des problèmes qui creuse l’écart de maturité numérique entre les PME et les grands groupes…
Exactement. Le monde mène une grande réflexion autour du Digital mais celui-ci complexifie encore davantage la donne car les problématiques du Numérique, bien que fortement abordées par les cabinets de conseil, sont surtout accessibles aux grandes entreprises. Les PME et TPE sont sans doute bien plus confrontées aux contraintes d’une transformation numérique et notamment en temps d’effet, d’impact. Les grandes entreprises, ont tout un circuit de validation avant de passer à l’action. Ces mesures sont évidemment nécessaires aux grands groupes qui veulent se protéger. Les PME sont simplement plus souvent portées par les hommes que par les processus, le temps décision-action est assez court. Elles n’ont de plus pas les moyens d’être aidées dans leur réflexion interne. Tel que je le vois, le Conseil d’aujourd’hui me paraît en particulier structuré pour les grands groupes.
Pour YDNU, l’une des solutions à ces dilemmes serait donc d’offrir du conseil par abonnement. Peux-tu expliquer en quoi ce modèle correspond davantage aux besoins des PME ?
C’est effectivement suite à ces différents constats sur le Conseil ainsi que sur le fonctionnement même des PME que nous avons jugé les offres de conseil par abonnement idéales pour ces sociétés. Le marché du Conseil actuel, basé sur les TJM, a tendance à répéter et appliquer dans les entreprises les schémas qui mènent aux fameuses ‘success stories’. Toutefois, ces schémas ne fonctionnent que chez les grandes entreprises qui diversifient leur métier et leur savoir-faire. Les PME, elles, ont très souvent un savoir-faire unique soit un produit, un service, une personne ou bien une méthode particulière qui fait leur force et leur authenticité. Cette unicité ne peut donc pas être uniformisée par une seule méthode de Conseil comme chez les grands groupes ou bien l’on risque de dénaturer l’entreprise voir de lui faire mettre la clé sous la porte… D’autant plus que le focus des petites et moyennes entreprises est très lié à la culture même de l’entreprise. Il faut donc que nos méthodes de conseil soient adaptables, le Conseil doit prendre un nouveau virage lorsqu’il s’agit d’adresser les PME. Mais ce n’est malheureusement pas ce que prônent aujourd’hui la plupart des cabinets.
En réponse à cela, YDNU veut s’adapter au rythme de décision et de temps de la PME, c’est-à-dire être présent dans la continuité pour supporter ces décisions rapides et fréquentes et ce, sans pics de coût. L’idée est donc de lisser les coûts de la prestation tout en leur permettant d’accéder à des compétences diverses. Grâce à cette force pluridisciplinaire et adaptée aux moyens des PME, on inclut enfin des notions de performance et de succès. Et c’est pour cette raison que le Conseil par abonnement se trouve au cœur de nos convictions.
Avec quels moyens et quelles outils YDNU s’adresse-t-elle aux PME ?
L’éventail des solutions qu’offre un cabinet de conseil peut être large (stratégie d’entreprise, finances…) mais notre cœur de métier à nous, c’est le digital. Ce qu’on pense, c’est qu’il y a ‘des’ mondes digitaux pour ‘des’ transformations digitales dépendant de chaque entreprise. Pour les comprendre, on a besoin d’apporter diverses compétences aux PME et de répondre à cette question : ‘quelle est la bonne route pour elle dans ce monde digital, quelle est sa route à elle ?’
Grâce à ces compétences, on est capable d’aborder la transformation digitale d’une PME par les axes humain et organisationnel, c’est-à-dire via les hommes et via les liens qui les unit au sein de l’entreprise. Comme on part du principe que l’entreprise à un savoir-faire unique, il faut identifier ce dernier en faisant un diagnostic de la culture de l’entreprise. Sur certaines missions, nous faisons appel à notre anthropologue Elodie, mais c’est assez compliqué car les gens ne voient forcément pas le lien avec le digital, ils sont donc un peu frileux. Pourtant, quand tu t’écartes de l’organigramme et du processus (qui restent évidemment importants), tu vois l’entreprise autrement, dans son authenticité. Les PME sont souvent adressées par des vendeurs de solutions mais ils ne savent pas pour régler quel problème car cet axe humain est laissé de côté.
Par ailleurs, on mène des audits de maturité numérique afin de voir où l’entreprise se situe en termes de Digital. Enfin, on travaille aussi sur beaucoup sur les objectifs de la PME, et non pas uniquement sur ses besoins. Dans le monde du Conseil, on oublie souvent ce que nos clients cherchent à atteindre, on oublie pourquoi ils consultent. On sait aborder le plan de mutation technologique, la roadmap, les compétences d’architecture technologiques et, dans certains cas, on sait mettre en œuvre le produit numérique définit et on sait accompagner ce changement. Mais l’on est d’autant plus percutant dans ce suivi quand on diagnostique la culture de la PME et ce, tout en se calant au rythme du client. En clair, les PME sont très liées à ce qu’elles veulent atteindre. De la diversification des canaux des ventes via le numérique à l’optimisation de leur lien avec les fournisseurs, en passant par le développement de nouveaux produits et services sur la base de services existants… Il s’agit de leur livrer une approche positive et non catastrophiste. Quand on entend parler de transformation aujourd’hui, on entend souvent « transformez-vous mourrez »… Nous, on a envie de dire « ou pas ».
YDNU = nouvelle alternative du Conseil ?
Parfois, les cabinets de conseils se retrouvent chez les PME par opportunisme, mais ils ne veulent pas vraiment être là. Ils veulent bosser chez les grands groupes, sur des projets d’envergures rapportant des sommes conséquentes, avec des missions durant souvent plus longtemps que prévu et créant des hausses de coûts. Ça, ce n’est pas notre stratégie. On se trouve plutôt en plein dans des réflexions prospectives. Par exemple, nous sommes en accord avec le rapport du Sénat sur les PME, qui souhaite que les prestations de conseil visant les PME y soient considérées comme de l’amortissement. Au même titre que pour les machines et outils matériels que l’on peut amortir sur 5 ans par exemple, l’idée est d’amortir l’immatériel et c’est cela qui fera la différence dans les PME.
Quels sont les ambitions du moment de la boîte ?
On aimerait accélérer ce concept de conseil sur-mesure pour les PME, notamment d’abonnement et de succès. Si l’on pousse la réflexion un peu plus loin, l’idée même serait pour YDNU d’être un ‘capital risqueur en apport en industrie’. Plutôt que d’entrer au capital d’une société en apportant de l’argent, on voudrait y rentrer en apportant notre savoir-faire. C’est un concept qui n’existe pas (en France ?) mais notre ambition à long terme, c’est ça. Certaines entreprises cherchent et ont besoins d’investisseurs et d’autres ont surtout besoin d’un savoir-faire, de compétences. Au final, l’effet est le même. C’est facile de gâcher un million si l’on ne sait pas vraiment où placer ses investissements. L’idée est donc que l’on développe votre entreprise en direct. On serait comme des Business Angels qui mettent les mains dans le cambouis.
Selon toi, pourquoi on reste « bloqués » au stade de la prospective ?
Pour l’instant, on fait face à deux obstacles principaux. Le premier concerne les comportements d’achat. Quand tu proposes un modèle un peu disruptif, il faut que les consommateurs soient dans l’état d’esprit de l’accepter et c’est compliqué. La première étape est donc pour tous de comprendre l’économie numérique, de se placer dans un mode d’intelligence collective. C’est d’ailleurs l’un des critères de l’évolution digitale.
Le deuxième obstacle est lié au problème de recrutement de ressources technologiques et au manque de formations du Digital. Si l’on comprend le rapport du Sénat, il y a les startups d’un côté, ces sociétés qui naissent directement du numérique et qui, intrinsèquement, sont en avance dans le domaine. Il n’y a qu’à voir ce qui est fait avec l’école 42 ou Station F, le monde des startups et foisonnant. De l’autre côté, on a nos PME dites ‘traditionnelles’ qui, elles, sont plutôt en retard, qui n’ont pas encore entamé la réflexion autour du digital. Ce grand écart reste encore à combler.
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